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En fait, une fonction qu'elle est sympa, c'est l'exponentielle.
On la définit par: exp(x) = ∑n∈N(x^n)/n!
Ce qui est cool, c'est qu'on peut la définir presque partout: il suffit d'avoir l'addition (pour le ∑), la multiplication (pour le x^n), la multiplication par un rationnel (1/n!), que l'on puisse définir la limite (le x∈N), et que l'on soit sûr qu'elle existe.
Et comme "Ensemble muni d'une addition, d'une multiplication interne, d'une multiplication externe, d'une norme, toutes opérations compatibles entre elles et ayant les propriétés qui vont bien (associativité, distributivité, inégalité triangulaire, je vous les cite pas toutes, y'en a un paquet), et complet pour la norme" c'est un peu long à dire à chaque fois, on a décidé d'appeler cela "Algèbre de Banach", Banach étant un mathématicien, et les mathématiciens, c'est comme les légionnaires ou les mamelouks, lorsqu'ils prennent leur retraite on leur cède un lopin de terre en récompense de leurs bons et loyaux services.
Donc on a des exponentielles de nombres classiques, mais aussi de complexes, de matrices, d'applications...
D'après la définition, on peut en tirer des propriétés comme exp(a+b) = exp(a) * exp(b), exp(0) = 1, exp est continue.
Si on a défini la dérivation, alors exp est dérivable et sa dérivée est exp (c'est pas un hasard. Les mecs se sont pas dit "Oh, on va étudier ∑n∈N(x^n)/n!, ca va être marrant", mais: "Si on avait une fonction égale à sa dérivée, elle aurait quelle tronche?")
Maintenant, revenons aux réels. Les réels forment une algèbre de Banach sur eux mêmes (ca veut dire en fait que l'on prend deux fois la même multiplication, ce qui permettra de décafouiller les gars qui s'étaient emmêlés les pinceaux avec la multiplication interne et la multiplication externe), mais ils ont plein de propriétés supplémentaires. En particulier on peut les classer du plus petit au plus grand, et montrer que ∀ x,y ∈ R, x < y ⇒ exp(x) < exp(y).
cela veut dire entre autres que exp est injective de R dans exp(R). Du coup, on peut définir une fonction réciproque, le logarithme. (Enfin, on y est arrivé!)
On l'appelle logarithme naturel, pour le différencier des logarithmes artificiels, ou alors logarithme népérien, en souvenir de Neper (Brave soldat de la science, qui a eu doit à la consécration pour services rendus).
et on pose exp(x) = y ⇔ x = ln(y)
On notera que, comme exp(x) est toujours positif non nul pour un réel, on a défini ln que pour les réels positifs non nuls, ce qui est un demi succès, ou un demi échec, vu que pour les négatifs, ben on a rien.
Vous voyez, définir ln, c'était pas trop dur pour les réels positifs et non nuls, maintenant faut aller voir chez les complexes.
Alors, y'a une question qu'on se pose: exp(i), ca fait combien? Bon, c'est un nombre complexe, d'accord, mais ca nous avance pas trop.
Un fait troublant nous est offert par -i, le rival malchanceux de i.
Il faut savoir qu'il y a longtemps, lorsque les mathématiciens ont voulu savoir quelle pourrait bien être la valeur de √-1, ils sont tombés sur deux candidats: i et -i. Chacun avait les mêmes références, les mêmes propriétés, la même motivation. Ils étaient comme deux frères jumeaux, indicernables. Mais il fallut bien choisir, et les mathématiciens couronnèrent i, lui offrant la gloire, tandis que -i était chassé dans un triste anonymat. Mais même après cela, i et -i demeurent frères jumeaux, et gardent les mêmes propriétés; ce qui veut dire que rien n'empêche -i de renverser i et de prendre sa place (en pratique, cela se passe de manière plus pacifique, par exemple lorsque i veut partir à la pêche quelques jours sans que cela se remarque). Les mathématiciens ont donc conçu une opération permettant à nos deux frères siamois d'échanger leurs places respectives (entraînant avec eux tous les complexes), qu'ils appelèrent la conjugaison, histoire de se rappeler des mauvais souvenirs de l'école, moyen le plus sûr de ne pas abuser de ce genre de dispositif.
i et -i sont donc conjugués, comme 1+2i et 1-2i. Notons que deux conjugués ont même taille et même poids (enfin, même norme), et que les réels, qui étaient là avant, sont conjugués à eux mêmes.
Bien sûr, l'exponentielle étant tranquille et bien élevée, respecte la conjugaison, et conj(exp(z)) = exp(conj(z)).
or exp(i)*exp(-i)= exp(0) = 1 soit exp(i) = 1/exp(-i) la norme de exp(i) est à la fois celle de exp(-i) (son conjugué), mais aussi son inverse. Donc exp(i) est de norme 1, ce qui le place sur le cercle unité.
Et comme le raisonnement est valable pour tout imaginaire pur, cela veut dire que les exponentielles de tous les imaginaires purs se baladent sur un cercle!
Et les calculs sont formels: exp(i) = ∑n∈N(i^n)/n! a pour partie imaginaire ∑p∈N (16p^2 + 20p +5)/(4p+3)! (strictement positif, donc) ce qui le situe à un endroit paumé dudit cercle.
Là, le désordre est complet. Ces imaginaires purs peuvent avoir des images un peu partout, impossible de définir un logarithme dans ces conditions.
Va falloir mettre de l'ordre dans tout cela.
Donc on est dans un bordel complet: Les exp(ix) se baladent partout sur le cercle unité. Déjà il faudrait savoir où, et après on avisera.
Le truc c'est déjà de savoir si tous les points du cercle sont atteints par exp(ix) lorsque x parcourt R.
Bon, pour 1, c'est le cas (pour x=0), c'est toujours ça de pris.
Notons aussi que, si on avait pour un réel a>0, exp(ia) = -1, alors comme exp(0) = 1 et x→exp(ix) est continue, ca voudrait dire que les valeurs de exp(ix) ont bien été obligées de traverser l'un des demi-cercles au moins pour aller de 1 à -1, lorsque x va de 0 à a. Et avec la conjugaison, on montrerait que les valeurs de -a à 0 passent par l'autre demi-cercle.
Et si on a un réel a<0 tel que exp(ia) = -1, me direz-vous? Dans ce cas, de toute façon, exp(-ia) = 1/exp(ia) = -1 aussi, et -a>0. Ben oui.
On remarque que la dérivée de x→exp(ix) c'est x→i*exp(ix) et qu'elle est de module 1. Comme 1 et -1 sont à une distance de 2, et que x→exp(ix) va à une vitesse de 1, alors s'il existait un a>0 tel que exp(ia) = -1, on aurait a>=2.
Je sais pas pour vous, mais moi j'en ai marre de toujours parler de "un petit a strictement positif tel que exp(ia) = -1", cela serait bien si on choisissait un de ces petits a une bonne fois pour toutes, et qu'on lui donne un nom. Le mieux, c'est de prendre le plus petit. Et pour nom, on va prendre π, c'est facile à retenir.
Mais bon, avant, faudrait déjà prouver qu'il existe.
Notons que la dérivée de x→exp(ix) en 0 est i, et qu'elle est continue en 0. cela veut dire que les nombres positifs x, au voisinage de 0, ont leur partie imaginaire de exp(ix) positive. Et après? De deux choses l'une, ou tous les exp(ix) (pour x>0) ont une partie imaginaire positive, ou alors il faudra bien que exp(ix) passe par la droite réelle pour pour aller de l'autre côté. Donc qu'il y ait un x tel que exp(ix) soit égal à 1 ou -1.
Deux fois que je dis "partie imaginaire de exp(ix)", et je sens que je vais encore devoir employer cette expression. Je propose de lui donner un nom. sinus, par exemple. On pose sin(x) = Im(exp(ix)). Et tant qu'on y est, on va appeler la partie réelle cosinus. Comme cela on aura exp(ix) = cos(x) + i*sin(x)
Et la dérivée de x→exp(ix), c'est x→ -sin(x) + i cos(x)
donc, juste après 0, sin(x) est positif. Et tant que sin(x) est positif, cos(x) va diminuer. Et comme on fait pas du sur-place, cos(x) est devenu inférieur à 1.
Par conséquent, lorsque sin(x) redeviendra égal à zéro (s'il le redevient un jour), cos(x) sera inférieur à un. et on aura donc exp(ix) = -1.
Et comme on l'a dit avant, à la vitesse où se traîne exp(ix), ce sera après 2. Donc entre 0 et 2, sin(x)>0, et cos est strictement décroissante.
Maintenant, regardons cos(2).
cos(2) = ∑p∈N(-4)^p/(2p)!
Pour connaître le signe de ce truc, on va récupérer les premiers termes, et grouper les autres par deux de manière à ce qu'ils aient tous le même signe.
cos(2) = 1 -4/2 + 16/24 + ∑q>1-(4^(2q-1))(16q²-12q-2)/(4q)!
1-4/2+16/24, ca fait -1/3. et comme pour q>1, 16q²-12q-2 >0, les termes de la somme sont tous négatifs. Ce qui veut dire que cos(2)<0. Et comme cos(0)=1 et que cos est continue strictement décroissante (oui, cos est continue, dérivable et tout et tout. Vu que c'est la partie réelle d'une fonction continue dérivable et tout et tout), alors il existe un nombre unique (on va l'appeler Joséphine, en attendant de trouver mieux) tel que cos(Joséphine) = 0 et 0 < Joséphine < 2 et comme sin > 0 entre 0 et 2, et qu'on est sur le cercle unité, alors sin(Joséphine) =1. soit exp(i*Joséphine) = i. D'où exp(2i*Joséphine) = -1
2*Joséphine est un des p'tita cherchés. et vaut entre 2 et 4. Est-ce le plus petit? Si on en avait un plus petit, (appelons-le Bonape), on aurait exp(i*Bonape) = -1, exp(i(Bonape-Joséphine)) = i, avec Bonape - Jospéhine < Joséphine, et Bonape - Joséphine > 0 (Bonape est supérieur à 2, et Joséphine inférieure à 2). Or, Des nombres entre 0 et 2 qui ont leur image par x→exp(ix) égale à i, il n'y en a qu'un, Joséphine. Bonape n'existe donc pas (Bonaparte, c'est autre chose), et 2* Joséphine est donc le plus petit p'tita tel que exp(i*p'tita)=-1.
Et voilà, on vient de construire π et du même coup de démontrer qu'il existe (vous avez eu chaud, hein? Imaginez la tête que vous auriez tiré si je vous avais dit: "Ben non, π il existe pas!").
Donc, pour récapituler, entre 0 et π, x→exp(ix) parcourt le demi-cercle unité allant de 1 à -1 et passant par i. Du coup, entre π et 2π il parcourt l'autre cercle, et revient à 1. (si cela ne vous paraît pas évident, démontrez et utilisez ∀a∈R, exp(i(π+a))=-exp(ia))
On a le résultat important: ∀z∈C, exp(2iπ+z)=exp(z)
Réciproquement, on peut montrer (je vous laisse le faire) que pour tous z1 et z2 dans C, si exp(z1) = exp(z2), alors z1 - z2 = 2iπ*n, pour un n entier relatif.
On dit que exp est périodique de période 2iπ.
Et les deux hippies en question, ils foutent bien le boxon pour ce qui est de définir le logarithme complexe: C'est que chaque complexe non nul z a non pas un mais une infinité d'antécédents par exp. Comment je définis mon logarithme complexe, moi?
Du coup, on a cherché plusieurs solutions: La première, c'est de prolonger par continuité ln à partir de la demi-droite R+*, en demandant à la fonction ainsi créée de respecter la conjugaison. Cela revient à choisir parmi la liste des antécédents ceux qui ont une partie imaginaire entre -π et +π
Sauf que lorsqu'on arrive sur -1 (et sur les négatifs en général), ben on a deux candidats tout aussi valables, -π et +π, pour servir d'antécédents. Et on aura beau prendre l'un ou l'autre, il y aura toujours une marche à cet endroit, un peu comme dans un escalier en colimaçon. Alors pour éviter cela, on ne définit rien. Ainsi on obtient un logarithme complexe défini partout, sauf sur R-. (0 n'a pas d'antécédent par exp, donc de toute manière on ne définira pas ln 0).
On peut aussi, dans la même optique, choisir une demi-droite d'origine 0 (par exemple (2-3i)R+) et attribuer à un point arbitraire un de ses antécédents comme valeur de ln (par exemple en posant ln i = 5π/2), puis prolonger par continuité en dehors de la demi-droite d'exclusion. Vous avez ainsi votre logarithme customisé. (Et vous pouvez aussi remplacer la demi-droite par une courbe quelconque, du moment qu'elle ne soit pas trop tordue, qu'elle démarre de 0, et qu'elle parte à l'infini. Cela vous fera un log kitté à mort, par contre il y a de grandes chances qu'il ne sorte pas du garage.)
Il y a aussi la solution de quotienter C par 2iπ, c'est à dire d'enrouler C sur lui-même, un peu comme pour un rouleau d'essuie-tout. Et de dire que le logarithme est une fonction de C dans C/2iπ. C'est un peu tiré par les cheveux, mais cela permet d'avoir ln défini continu partout.
Commentaires:
un article compréhensible :-)
J'avais pas pense a quotienter C par 2iPi. Du coup, ca donne quoi pour la restriction de ln a R?
Ben, en posant lnC le logarithme ainsi défini, lnR le log sur R+* classique, et en prenant x réel, tu as:
- pour x > 0, lnC(x) = lnR(x) +2iπZ
- pour x < 0, lnC(x) = lnR(-x) +iπ +2iπZ
- lnC(0) n'est bien sûr pas défini.
Remarque, tu dois pouvoir définir un logarithme étendu de C U {∞} vers C/2iπ U {-∞, +∞}
Je pense pas, parcque la limit de ln en 0 depend de la facon dont tu t'approches de 0.
Non, c'est toujours -∞ . C'est la dérivabilité qui me chiffonne, en fait.
Compréhensible, oui, si on tient compte que j'ai perdu Joséphine, Bonape, le petit a, x et Pi au passage !! ;-))
d'hab, je lis tout... mais là y'a Shreck à la télé... alors je reviendrai demain... (avec l'empreur, sa femme et le p'tit prince...;)
Ca, j'adore, Kabotine ! Et puis, c'est plus à mon niveau que les math de Castor... Ca m'a toujours laissée rêveuse (alors que le Roi et le P'tit prince... ;) )
Bises à toi et à Castor !
(avec l'empreur, sa femme et le p'tit prince...)
Bon, en fait c'est plus clair... Que de souvenir lointains en fait.... Rhâaaa si j'avais eu un prof comme toi en prépa, c'est pas 5 demis que j'aurai fait, mais sept, voire neuf demis !
On ne s'en lasse pas ! Je crois que je vais envoyer ton article à mon papa-mathématicien.... je peux ?
Rhâaaa sacré castor !
Ceci dit tous ces souvenirs me laissent songeuse... dire qu'il faudra qu'on s'y remette pour les études de A... (pourvu qu'il soit avocat ;-D)
Alors là tu m'assoies ! tout y est , le style, le climat , les personnages,tout... c'est bien simple: j'y crois :o)
méta
C'est d'un érotisme torride, merci Castor :-)))!
J'y ai presque pris autant de plaisir qu'au concert de Delerm... Décidément, M Zwed manquait beaucoup trop de fantaisie pour enseigner les maths en prépa.
alors là bravo! il é vraiment terrible ton article! j'ai presque tt compris ce qui est un miracle étant donné que je n'ai encore jamais entendu parlé de exponentiel etc.. si les profs expliquaient comme ça, on comprendrait mieux! tu veux pas me donner des cours ?! lol
Bruit Blanc - Rien qu'une pierre de l'Edifice. : "Tu notera que, bizarrement, ce n'est pas Castor qui a écrit cette entrée... "